Les résidences d'artistes

Lorsque nous écrivons « qu’est-ce qu’une résidence d’artiste ? » dans une barre de recherche, nous arrivons sur un site du Ministère de la culture, un article Wikipédia, des classements de résidences les plus folles du monde et quelques articles sur les lieux d’art de votre région. En somme rien pour comprendre réellement en quoi consiste une résidence ni les outils pour s’y pencher. Lorsque nous demandons aux artistes « mais que fais-tu après tes études d’art ? » ou bien « une résidence ? de quoi il en retourne ? », les réponses sont souvent confuses. Nous allons tenter d’éclaircir ce sujet.

Les  résidences font parties du parcours professionnel du·de la résident·e comme expérience et/ou étape dans la construction de sa carrière. Elles sont la porte ouverte aux ateliers, expositions, rencontres, subventions et reconnaissance dans le monde culturel d’aujourd’hui.
 

En quoi consiste une résidence d’artiste ? 


Il s’agit d’une aide à la création artistique, d’un séjour dans un lieu avec un cadre et des moyens. Le temps est réparti entre le travail artistique et un temps de médiation avec des ateliers ouverts, des rencontres, des répétitions publiques, etc. Il existe aussi des résidences de « mission ». L’artiste s’engage dans le territoire avec les différents publics et s’en inspire pour nourrir son travail personnel. Le temps de création artistique est moindre comparé à une résidence artistique.

Ces résidences sont proposées par différentes structures publiques ou privées du milieu culturel. Il faut constituer un dossier artistique généralement composé d’un curriculum vitae, d’une lettre de motivation et d’un portfolio avec les projets de l’artiste. Les appels à candidatures ont des dates de rendu strictes : il faut y être attentif·ve.

Parfois, les candidatures peuvent être spontanées, soit par l’envoi d’un dossier par l’artiste soit par la sollicitation des structures elles-mêmes d’un·e artiste. Ils·Elles doivent alors garder leur portfolio à jour pour être réactif·ves aux différents appels. Parmi les résidences les plus connues à l’international, il y a La Villa Médicis à Rome, Delfina Foundation à Londres, la fondation Casa Wabi au Mexique... En France, si la Cité des Arts à Paris, Triangle-Astérides à Marseille sont les plus convoitées, nous trouvons des résidences faisant preuve d’originalité. Notamment, la résidence de La Borne qui fait se rencontrer un.e artiste et un.e céramiste pour une création autour de la céramique. Dans la même idée de mêler art contemporain et artisanat, le Centre International de Recherche sur le Verre et les Arts plastiques propose un dialogue entre artistes et technicien·nes. Enfin, l’association 2angles, partenaire de VOAR, propose des résidences de création d’art contemporain et de danse contemporaine dans ses locaux situés à Flers.
 

La structure des résidences : 

Les organisateur·ices donnent aux candidat·es sélectionné·es des bourses, des aides à la production, des prises en charge du lieu de vie etc. Il est nécessaire en tant qu’artiste de se faire payer ne serait-ce que les droits de présentation, de droits d’auteur et des possibles présentations orales en public. Il faut bien lire les conditions de travail, d’accueil et de financement. Il se peut que l’artiste se doit d’avoir son permis B et/ou payer les frais de transport et nourriture. Il ne faut pas oublier, d’après la circulaire n°2016/005 du 8 juin 2016, que « les actions en direction du public ne sauraient (...) se substituer au travail de base d’éducation artistique, ni à celui de la constitution d’un public, qui relèvent de la responsabilité de la structure d’accueil et/ou de ses partenaires. » Accueillir un public fait partie d’une résidence mais il ne faut pas dépasser un certain taux horaire (pas plus de 30% environ car les 70% restant sont dégagés pour la recherche créative). À ce propos, une jeune artiste diplômée des beaux-arts de Marseille témoigne : « Je me suis rapprochée du système de résidence car tu as une bourse à la production et tes honoraires. C’est le seul schéma que je souhaite bien intégrer. L’artiste est reconnu pour la création qu’il·elle est en train de faire. Je suis payée pour le temps que je donne et non pour un produit final. C’est ça la vision d’artiste où je me sens bien. »

Il ne faut pas oublier de lire et signer un contrat de résidence qui fixe les engagements entre le·la futur·e résident·e et l’organisateur·ice.
(Cf : fin d’article dans le PDF des 223 résidences se trouve un contrat type à votre disposition).
 

Pourquoi questionner le système de résidences aujourd’hui ? Ne réduit-il pas le statut d’artiste à un seul schéma ? Qu’en est-il de son accessibilité ?

Il est important de souligner comment les résidences ont acquis une place significative dans la vie des artistes émergent·es. Dans toutes les régions, de plus en plus de structures proposent des résidences et c’est naturellement à l’artiste de se déplacer pour accéder à un espace de travail, se faire des contacts et obtenir de la visibilité. Cela est dû notamment à la difficulté d’accéder à un atelier fixe dans les villes. Un·e artiste, dans sa volonté de vivre de son métier, devra donc être nomade une bonne partie de sa carrière. Ce qui n’échappe pas aux collectivités locales qui y voient une opportunité de revaloriser culturellement leur territoire à travers l’accueil d’artistes, particulièrement en zone rurale ou encore en zone REP*. Dès lors, certaines résidences impliquent l’artiste dans une relation étroite avec le territoire et les publics qui le composent.
Le Vent des Forêts dans la Meuse est un bel exemple du lien tissé entre un territoire, ses habitants et les artistes invité·es. Ce centre d’art a donné un nouveau souffle créatif et touristique à six villages agricoles. Les artisans travaillent avec les artistes le temps d’une résidence pour la fabrication d’une œuvre qui sera exposée dans un des sentiers en forêt, à découvrir au détour d’une marche en plein air.

En terme d’alternatives, la dématérialisation de la visibilité, de la vente et de l’exposition par des initiatives telles que VOAR offrent la possibilité à des artistes émergent·es de s’inscrire dans le marché de l’art. Une offre qui vient déjouer les difficultés d’accès aux résidences, notamment pour les artistes n’ayant pas les capacités et les capitaux socio-économiques pour suivre le système de résidences. Le nomadisme peu ou proue imposé par cette structure éloigne de nombreuses personnes, malgré les subventions de plus en plus allouées aux structures.
 

Interview de Jill Guillais

La réalité du terrain se découvre via le regard des artistes, c’est ainsi que nous avons demandé à Jill Guillais, artiste à retrouver sur VOAR, de répondre à quelques questions concernant les résidences.

Comment fais-tu pour trouver des résidences ?

J’ai eu l’occasion de vivre des résidences en dehors des sentiers battus pendant plusieurs années. Notamment au Danemark une résidence dans un phare mais aussi dans l’enceinte d’un musée. Je sais qu’il existe un catalogue proposé par le Cnap avec de nombreuses résidences répertoriées en France. J’essaie de garder l'œil ouvert sur les réseaux sociaux et de consulter les newsletters auxquelles je suis abonnée. Je trouve que c’est assez complexe de s’y retrouver, entre les dates de lancement, les deadlines, les conditions d’admission, etc.

Fais-tu beaucoup d’envoi de dossiers ?

Je découvre le plaisir des dossiers cette année. Après plusieurs années d’expérience dans différents domaines (l’art thérapie, les langues et la transmission), j’ai décidé de placer ma pratique artistique au premier plan. J'ai dû me confronter à l'exercice du dossier de candidature qui est particulièrement énergivore. Les attentes des institutions sont très différentes : le nombre de pages demandées varie, le volume des fichiers, le nombre de signes pour les notes d’intention, le nombre de visuels, etc. ce qui oblige à repenser le format dans sa totalité à chaque candidature pour maintenir une cohérence globale.

Est-ce plutôt les structures qui te contactent ?

Avant la période Covid oui, une occasion d’exposition amenait des rencontres qui rebondissaient sur d’autres expositions. Notamment dans des médiathèques et espaces culturels, mais ce n’était pas, à l’époque, dans le réseau officiel des structures d’art contemporain. Une exposition peut en amener une autre, par rebond. Pareil pour les résidences.

Dans les résidences lesquelles sont celles qui t’ont marqué d’une façon ou d’une autre ?

Ma résidence cet été à l’Artothèque de Caen (via l’ESAM starter) va me marquer c’est certain. Yvan Poulain et Patrick Roussel sont bienveillants et offrent de belles conditions de résidence. Je compte profiter de cette opportunité pour explorer des dispositifs d’interaction au sein de l’espace expositionnel en conviant divers acteurs, comme par exemple un artiste sonore ou un commissaire d’exposition. Je souhaite aussi travailler avec une troupe de théâtre d’improvisation afin de nourrir, entre autres, l’écriture d’une performance dissimulée, pensée spécifiquement pour le format vernissage. Au format résidence s’associe obligatoirement, pour moi, l’idée d’une pratique artistique qui se partage et se laisse affecter.

Comment les résidences ont changé ta façon de créer / ton art ?

Ce sont des moments de partage, de rencontre avec de nouvelles personnes, de nouveaux contextes de travail. Décontextualiser sa pratique permet de mieux en cerner les enjeux. Les résidences sont pour moi l’occasion d’explorer le “faire avec”. J’y réalise principalement des pièces in situ, des pièces pensées pour le lieu en écho avec mon expérience du site et des rencontres avec celles et ceux qui l’habitent ( objets et personnes). J’impacte l’espace qui m’entoure par l’activation de protocoles que je rédige, tout en me laissant impacter moi aussi.

Aimerais-tu un atelier fixe, en as-tu déjà un ?

Avoir un atelier fixe n’est pas adapté à toutes les pratiques et les résidences non plus. En ce qui me concerne, je ressens le besoin d’osciller entre les deux : des moments de recherche, de partage et d’exploration ponctuels avec une réelle économie de moyens et des moments de réalisation plastique en atelier pour lesquelles j’ai besoin des objets que je collecte au quotidien, d’outils spécifiques etc.

Je rénove en ce moment un hangar près de Caen dans l’objectif de réaliser une partie habitation au cœur de l’atelier.

Continues tu les résidences ? En France à l’étranger ?

Cela m’intéresse d’en faire de temps en temps. Je serai en résidence à Bubahof Prague pendant deux semaines au printemps prochain pour un temps de recherche et de création. Le lieu est proposé aux anciens étudiants de l’ESAM qui souhaitent y développer leur travail, à l’initiative de Céline Duval et Dita Lamačová. En parallèle de ma résidence à l’Artothèque de Caen cet été, j’irai aussi régulièrement à Aubervilliers car j’ai été conviée par Le Bureau Des Heures Invisibles pour un projet entre la résidence et le workshop pendant lequel je vais travailler avec un collectif de femmes, notamment sur des réalisations textiles.

Raconte nous un souvenir d’une résidence.

J’ai eu de superbes moments de résidence sans avoir forcément des conditions idéales de production ou de rémunération. Désormais j’arrive déjà mieux à repérer les résidences qui seront réellement bénéfiques au développement de mon travail. Un de mes meilleurs souvenirs de résidence, c'était au Danemark, à Hanstholm Fyr. J’ai été invitée à participer à une performance collective intitulée SARIBA avec les artistes résidents, auprès d’un public de femmes afghanes. Magique.
 

Pour clore cet article vous trouverez ci-dessous différents liens web pour la recherche de résidences, des appels à candidatures.

Liens utiles :

223 résidences d’art visuels en France par le ministère de la Culture.
Utile pour chercher une résidence en fonction d’une région ou d’une pratique.

La page des annonces du CNAP - Centre National des Arts Plastiques. 
Pour chercher des appels à candidature et des offres d’emplois en France et à l’étranger.

Arts en résidence-réseau national (réseau de structures et plate-forme de ressources). 

Appels à candidatures du CIPAC (fédération des professionnels de l’art contemporain).


*zone REP : zone de Réseau Éducation Prioritaire.