Description de l'œuvre
Brûme N°012 Pastel sec sur papier dimensions intérieures: 12,5 x 17,5 cm dimensions extérieures: (Passe-partout) 18 x 24 cm Signé au dos
À propos de l'artiste
Le crépuscule d’un soirJohan Bonnefoy fait du paysage une matière de peinture. Vivant et travaillant dans cette matière même, l’artiste réussi à faire du dehors un dedans, à mettre à distance le vécu pour le retranscrire sur la toile. Entre prises de motifs sur le vif – par la photographie – et re-prises dans l’atelier, il opère des aller-retours entre le vu, le perçu et le ressenti : un travail de ressouvenance créant des alliances d’espaces et de temps que la peinture, dans sa force vitale, permet de faire coïncider. Johan Bonnefoy peint a-posteriori. Des mois voir des années après la prise photographique, il se plonge à nouveau dans ses dossiers d’images qu’il considère comme de vastes carnets de croquis, pour en extraire de multiples unités – ses toiles sont le plus souvent de grands et de petits formats, du détail à la vue entière du paysage. À y regarder de plus près, ses œuvres semblent défaire pour refaire ce que l’on conçoit comme « paysage » afin de ques- tionner ce que serait le « paysagé ». Un processus qui correspond à ce que l’artiste nomme le paysage « vidé » et « construit », c’est-à-dire une recherche plastique visant à soustraire le pay- sage à lui-même. Se faisant, Johan Bonnefoy nous invite à questionner ce qu’il pourrait être : un espace construit, imagé autant qu’imaginé, un entre-deux entre le réel et le rêve ?
Cet entre-deux se caractérise par le motif du passage, omniprésent dans son travail. Que ce soit un nuage suspendu dans un ciel bleu-guimauve, aux sentiers battus d’une lisière de forêt, aux barrières naturelles des rivières ou encore des allées d’arbres, il se fait limite entre deux univers, seuils de moments de vie et de déclin, où le temps semble s’échapper. Ce pourquoi Johan Bonnefoy photographie principalement en fin d’après-midi, se laissant captiver par « la sensation qui déborde de l’image ». Auparavant retravaillée via des logiciels, l’image est dorénavant re- transmise directement sur la toile afin de la faire disparaître « au profit de l’exercice de peinture ». Il expérimente alors un glissement entre deux médiums, de la photographie à la peinture, afin de reconstituer un phénomène d’aperception qui, dans le cas de Johan Bonnefoy, prend corps dans son geste pictural. Ce geste crée ce qu’il nomme des « registres », qui diffèrent selon l’outil (pinceaux biseautés, plat, spalters) et les couleurs qu’il utilise. Au nombre de registres équivaut le nombre de couleurs et par extension de gestes réalisés, en travaillant d’abord le fond de sa toile avec un monochrome d’où apparaît le sujet du tableau.
Instinctive, sa peinture n’en est pas moins une « chorégraphie », comme il se plaît à dire, car sur le fond de la toile s’orchestre la superposition de rythmes et de temporalités. Prétexte au tableau, le paysage devient presque anecdotique, un archétype de lui-même dénué de contexte et vidé de la figure humaine. Ce qui importe pour l’artiste est de se laisser guider par la sensa- tion première, celle qu’il a souhaitée saisir pour la fixer dans la matière picturale. Cette matière crée un espace coloré de profondeurs et de surfaces, synthèse des sensations retrouvées : « l’impermanence de l’instant photographique restituée dans une temporalité [picturale] plus longue ». Le paysage devient dès lors une trace mémorielle mise en abîme par les éléments de la composition - plans, formes et lignes –, qui sont dissous dans une lumière diaphane baignant le paysage dans une étrange et silencieuse atmosphère. La représentation joue donc d’une tension au sein d’une scène réelle d’apparence tranquille et un hors-champ invisible, propice à la rêverie. Elle devient ainsi le support atemporel d’une expérience sensible et contemplative du paysage qui se veut, par extension, celle du monde – à l’orée du jour, au crépuscule d’un soir – s’éveille.
Diane Der Markarian