Description de l'œuvre
Toute recherche se fait avec le « musée imaginaire » en tête et convoque des les représentations de l’histoire de l’art. Ici, cette image d’un gisant, corps allongé au milieu de feuillage appelle la représentation d’Ophélie de John Everett Millais. Les feuilles structurent l’espace, créent une profondeur sous laquelle apparaît le gisant , « Pâle dans son lit vert où la lumière pleut » (Rimbaud). Depuis peu, je travaille à l’effacement de la figure ; après un travail abouti du corps, j’ajoute un glacis qui voile la représentation puis j’ajoute des feuilles, des taches, tout un vocabulaire qui semble à la fois protéger le corps abandonné et le diluer sous un couvert de végétation.
À propos de l'artiste
Partant de la posture de me prendre comme modèle, objet et non sujet, j’utilise depuis vingt-cinq ans ce personnage archétypal dont le reflet est dépossédé de personnalité pour n’être qu’un corps-lieu, une in-carnation. Dans ce dispositif contraignant et répétitif de ce corps bipolaire – modèle et peignant -, je cherche la tension, tension du corps.Ce corps unique et multiplié m’a servi et me sert à un déploiement de questionnements autour de l’humain et sa place dans l’espace et dans le temps.
Depuis quelques années, je me réfère à la peinture des primitifs flamands et travaille très souvent sur bois et sur fond noir.
Le fond noir me permet de faire émerger la figure, de l’en extraire pour en souligner l’évanescence. Quant au bois, il offre un rendu très lisse, une matière qui disparaît au profit du glacis.
Les glacis comme une inscription en palimpseste illustrent le dépôt du temps sur le corps, la peau. Ce rendu de vieillissement me fascine. (cf. Le portrait de sa mère à 63 ans de Dürer, la Clotho de Camille Claudel, les autoportraits d’Alice Neel et Helen Schjerfbeck)
Le regard incisif des personnages questionne, interpelle et parfois dérange; ce regard, cette frontalité sont dûs à la quête de l’image dans le miroir.
Cette problématique de la vulnérabilité résonne chez les personnes attachées à l’humain, à l’autre, au care. Les amateurs.rices de danse contemporaine sont sensibles à ces corps authentiques dans des poses souvent grotesques, des liens aléatoires, cette accumulation de personnages qui structurent l’espace de la toile.
La taille, la forme disent l’humain. Tout doit se jouer dans une envergure moyenne, à portée de main, à portée de corps. Puisque posant, je peins.